En astrologie, on saisit mieux ce qu’il convient de faire en sachant bien ce qu’il convient d’éviter. Le praticien qui déchiffre un thème est tenu d’échapper à deux sortes d’erreurs. L’une est une erreur de signification : elle consiste à s’égarer dans la traduction de la configuration interprétée. Ici, c’est la valeur qualitative de celle-ci qui fait l’objet d’une estimation incorrecte. Voudrait-on, par exemple, attribuer un caractère agressif à Vénus, tonique à la froide Lune, cassant à l’humide Neptune (sauf intervention étrangère justificatrice)… que ce serait la meilleure manière de « tomber à côté ». Chaque élément thématique (signe, planète…) a son clavier de tendances qui lui est propre et qui doit être respecté. Ce sujet a été évoqué à propos des « Claviers symboliques »; il est inutile d’y revenir.

L’autre genre d’erreur est de l’ordre de la valorisation. Le défaut de jugement porte ici sur la valeur quantitative du facteur considéré. Une faute de ce genre nous conduit à surestimer ou à sous estimer la place qu’occupe la configuration dans le thème, en lui prêtant un rôle manifestement exagéré ou en minimisant la portée de celui-ci. L’interprète est comme le portraitiste chargé d’une reconstitution mais dont la ressemblance du tableau trahirait le modèle par suite d’une touche, d’un trait, trop ou insuffisamment appuyé.

Pour interpréter correctement, il ne suffit donc pas seulement de « donner un son juste » à tel facteur thématique, et même de situer les rapports de tonalité entre les diverses configurations une erreur de signification engageant sur une piste trompeuse et étant aussi regrettable qu’une fausse note pour un musicien. Encore faut-il donc aussi savoir l’importance que chaque configuration prend dans l’ensemble du thème. Il s’agit de la situer à sa vraie place, dans un rapport de puissances au sein des autres facteurs; il sied, en un mot, de fixer son degré (au moins approximatif) d’intensité. Aucune configuration, simple ou complexe, n’échappe à cette règle, et ce qu’on appelle la Dominante d’un thème n’est rien d’autre que le facteur premier en puissance, celui qui, ayant le plus de relief ou d’intensité, joue le rôle de chef de file.

Ce privilège peut être imparti à un simple signe zodiacal s’il est très occupé : plus un signe est occupé et plus il est fort (la valorisation du signe est toutefois plus intensifiée par l’occupation de l’Ascendant et du Soleil, de la Lune et des astres rapides, que par celle des planètes lentes qui séjournent longtemps dans la même tranche zodiacale); mais même dans un tel cas où un signe constitue la note première, le maître de ce signe n’est pas for-cément l’astre le plus prééminent, et il convient d’évaluer la formule planétaire du thème. Aussi peut-on dire, en règle générale, que le privilège du rôle de dominante est imparti à une planète, intégrée dans un ensemble, sinon à plusieurs planètes qui forment un tout complexe où signes, Maisons et aspects participent, unité originale autour de laquelle tout l’ensemble du thème prend ses mesures et sa signification.

On saisit d’emblée l’importance qu’il convient d’attacher à la recherche de cette dominante, car rechercher la « formule astrale » c’est de cela qu’il s’agit revient à classer le natif suivant les types astrologiques avec ce qu’un tel classement a d’irréductible, d’inchangeable : tel être est-il un Jupitérien? Aussitôt se présente un extraverti, plus ou moins déterminé par un tempérament sanguin, par un caractère colérique. Est-il au contraire un Saturnien? L’image s’impose d’un introverti au tempérament plus ou moins nerveux, au caractère plus ou moins secondaire… Cette dominante est liée à la notion même de signature, expression de ce style général, de cette marque souveraine qui caractérise la composition synthétique d’un être et d’un destin. En effet, c’est par sa dominante qu’un individu est « signé »; elle est le signe de la présentation générale de l’individu, de cette construction d’ensemble qui détermine son attitude globale devant la vie, annonçant du même coup son mode d’existence concrète, tant l’être fait corps avec son destin. En découpant la silhouette du personnage, elle nous fait accéder à sa structure typique, première étape à réaliser avant d’atteindre sa structure individuelle, c’est-à-dire tout ce qui en fait un être à part, un être unique, en marge de toute famille humaine.

Par exemple, dans le cas d’un Balzac, d’un Rodin, d’un Raimu… on parlera d’une « dominante jupitérienne » et l’on verra apparaître un type général de tempérament sanguin, d’attitude extravertie, de caractère colérique. « Dominante jupitérienne » n’étant assuré-ment qu’une première approximation, une définition tout abstraite au regard d’une formulation qui se veut de plus en plus particularisée (Balzac : Jupiter-Gémeaux conjonction Soleil-Taureau avec Ascendant Lion… Rodin : Jupiter-Scorpion con-jonction Soleil au MC, Ascendant Capricorne… Raimu : Jupiter-Lion au MC…), mais qui appelle tout de suite une orientation précise autant que décisive dans la rose des vents des familles génériques d’humains. On conçoit donc que la première opération de l’interprète, une fois la carte du ciel dressée, consiste à trouver la dominante du thème. Cette recherche est la clef de voûte de toute l’interprétation : il s’agit de partir sur une bonne piste, de ne point faire d’un saturnien asthénique un jupitérien pléthorique…; il s’agit de faire le point dès le départ en donnant au sujet sa formule astrale, et c’est d’elle que toute l’interprétation découle en fin de compte. On conçoit donc que cette opération délicate et décisive ait préoccupé les astrologues.

Cette question n’a pas cessé d’être d’actualité. Déjà, au temps de Ptolémée (pour ne pouvoir remonter plus avant), on s’attache A admettre que le « maître de la géniture » est l’astre qui a le plus de prérogatives aux lieux du MC et de l’AS, à savoir celui qui, de plus près, applique ou déflue de corps (termes qui signifient : s’approche ou s’éloigne par sa présence), d’aspect, par antice ou contreantice, celui qui y domine par dignité, de signe, de terme ou de décan. Ce disant; les Anciens avaient réglé la question par l’essentiel, mais très schématiquement et sans insister sur la complexité tua cache le problème aussitôt qu’on l’aborde de front. Il en t ainsi jusqu’à ce que Morin intervienne avec son esprit et introduise la méthode chiffrée : coefficients donnés aux différentes positions de chaque astre dans le mouvement unie et dans le zodiaque. Il prit même en considération une le de facteurs : sexe des signes, réception mutuelle, position vis-à-vis des luminaires (occidentalité-orientalité), mouvement des planètes (rapides, lentes, stationnaires), apogée-périgée, déclinaison, latitude, aspects… écheveau si complexe à démêler qu’on y perd véritablement le fil… Certes, nous ne reculons pas devant la difficulté, le résultat recherché imposant un effort où il faut mettre le prix, mais nous renonçons là à un système qui est simplement impraticable. En un tel domaine, il sied d’apporter le plus de simplicité pour aboutir à une méthode applicable, sans toutefois tomber dans le piège inverse du simpliste (la facilité conduisant ici à l’erreur) auquel succombent ceux qui érigent d’office au rang de dominante la planète maîtresse du signe ascendant. L’astrologie n’est pas un jeu de salon où il suffit de suivre la règle du jeu pour obtenir un résultat automatique, mais une connaissance humaine qui, comme telle, a ses difficultés. Son problème, évoqué ici, vient de l’incompatibilité de nature qui se présente entre l’objet à saisir et l’instrument chargé de saisir cet objet : grossièrement parlant, il s’agit de mesurer la vie, d’introduire le compas dans les méandres de l’humain… La difficulté est donc d’autant plus grande que l’on vise à une arithmétique de la dominante. Et pourtant, la méthode qui satisfait le plus à l’esprit de rigueur est celle qui, abolissant toute interprétation, toute évaluation personnelle, c’est-à-dire en fin de compte toute subjectivité, en appelle au chiffre, et c’est bien pourquoi les astrologues contemporains n’ont pas tout à fait renoncé à mettre au point cette sorte de calcul de la dominante.

Il faut cependant reconnaître que cette formule idéale, rationnellement, de la méthode chiffrée présente un vice de forme qui la discrédite dans son principe même. Elle rend nécessaire l’alignement dans une addition de facteurs hétérogènes, alors que ces facteurs paraissent difficilement réductibles à une commune opération quand il s’agit de positions différentes, de distances différentes, de vitesses… d’astres. C’est tout le problème délicat de la conversion de valeurs essentiellement qualitatives en coefficients quantitatifs. Et même quand il s’agit du même ordre de faits, l’embarras demeure. On décide, par exemple, qu’un astre en dignité est fort par rapport à un astre en débilité, tenu pour faible. Or, quand on y regarde de près, est-ce bien ainsi que sont les choses? La charge amoureuse de Vénus est-elle pour autant diminuée dans le Scorpion, son lieu d’exil? L’introversion et la régression affective de Saturne ne sont-elles pas accrues dans le Cancer, son exil? Et la puissance spirituelle du Soleil, qui osera dire qu’elle est faible au Verseau? Depuis que l’on sait que les rapports de dignité et de débilité sont des valeurs dialectiques, la puissance physique allant de pair avec la faiblesse psychique, et inversement, toute valorisation quantitative perd son sens, à moins de ne considérer que la valeur diurne ou la valeur nocturne de l’humain : singulière amputation ! Et quand bien même on admet que la débilité d’un astre en dégrade la nature, une planète ainsi infériorisée, c’est-à-dire de mauvaise qualité, ne peut-elle pas prétendre aussi au titre de dominante?